Échantillon

STILL

La mère de C. peint des tableaux
qu’elle dispose dans tout l’appartement :
des rectangles de couleurs foncées
sur le blanc. Ce sont des reproductions
de toiles parfois connues, comme
une corbeille de fruits de Cézanne
(en écho avec la citrouille posée
au centre de la table), parfois de photographies
clichées des longues perspectives de New York
pleines de taxis jaunes comme on les trouve
dans les hôtels. Les collections d’antiquaire
récupérées suite à plusieurs décès
rapprochés sont remaniées, week-end après week-end,
dans le salon et les chambres fermées à clé.
Sa fille garde l’appartement.
Sous le lustre, sur un accoudoir
recouvert, j’entends un cliquetis de
boucle métallique qui frappe
la vitre du lave-linge. Je la revois
m’expliquant la valeur de certains tissus
qu’il ne faut pas jeter – de vieilles toiles
qui ne sont pas que des draps et des nappes. J’aime bien.
Et sa méfiance, sa réticence…
Alors que C. fait craquer les marches et les planchers
(c’était une erreur, de mettre du parquet)
la boucle cogne la vitre. On ne se rend pas compte
dans ce silence
que dehors, c’est une grande rue passante.

Janvier 2015